novembre 19, 2025

face à la dermatose nodulaire, la détresse des éleveurs privés de leur troupeau

La dermatose nodulaire contagieuse, qui attaque les troupeaux de bovins, se propage dans l’est et le sud-ouest de la France. Au moindre cas détecté, l’administration impose l’abattage de l’ensemble du troupeau. Un crève-cœur pour les 64 éleveurs concernés à ce jour en France.


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Publié le 08/11/2025 07:35

Temps de lecture : 4min

L'étable vide de Florent Eplenier, à Ecleux (Jura), novembre 2025 (EDOUARD MARGUIER / FRANCEINFO / RADIO FRANCE)

L’étable vide de Florent Eplenier, à Ecleux (Jura), novembre 2025 (EDOUARD MARGUIER / FRANCEINFO / RADIO FRANCE)

À Ecleux, près de Dole dans le Jura, l’étable de Florent Eplenier est entièrement vide depuis le jour où ses 79 vaches laitières ont été abattues. « Le dépeuplement s’est produit le jeudi 16 octobre et du jour au lendemain, plus de vaches. Je n’ai pas voulu assister au dépeuplement parce que ça fait très mal », confie l’éleveur. 

La cause de cet abattage se nomme la dermatose nodulaire contagieuse, une maladie virale qui touche les bovins. Elle est apparue en Savoie en juin dernier et, depuis, elle se répand dans le reste de la France. Si elle n’est pas transmissible à l’humain, elle implique un « dépeuplement » quand elle est signalée, terme administratif qui signifie l’abattage des bêtes d’un élevage.

Ce sont donc 2 700 bovins qui ont connu ce sort depuis cet été en France. L’abattage du troupeau dans son entièreté est la procédure, dès lors qu’une vache est atteinte par la dermatose nodulaire contagieuse. « J’avais quatre vaches qui avaient de la fièvre, dont deux avec des nodules, des gros boutons mais qui n’étaient pas percés encore », explique Florent Eplenier. Depuis, l’éleveur a nettoyé le bâtiment : il n’y a plus de foin, plus de fumier, et les lieux seront à nouveau désinfectés dans les prochains jours.

Une banderole à l'entrée du village, en signe de soutien aux éleveurs de la région. Novembre 2025 (EDOUARD MARGUIER / FRANCEINFO / RADIO FRANCE)

Une banderole à l’entrée du village, en signe de soutien aux éleveurs de la région. Novembre 2025 (EDOUARD MARGUIER / FRANCEINFO / RADIO FRANCE)

Cette maladie, classée A au niveau européen, doit être éradiquée immédiatement car elle est extrêmement contagieuse. Sans risque pour la santé humaine, elle se transmet aux bovins par les piqûres de mouches. L’élevage de Florent Eplenier en est la preuve : « La mouche arrive sur une vache infectée et va repiquer une autre vache, et ainsi de suite. Suite au premier cas chez le voisin, on m’avait demandé de laisser les vaches à l’intérieur. Mais je pense que le mal était déjà fait. Une mouche, ça navigue entre les élevages. »

Depuis un mois, l’agriculteur, entouré de ses proches, remonte la pente moralement. Sur le plan économique, en revanche, il attend le versement des aides pour perte d’exploitation. Celles-ci lui permettront de racheter des vaches. Sa ferme produisait jusqu’ici près de 300 000 litres de lait par an, transformés en comté par les fromageries de la région. Mais en attendant, Florent Eplenier doit trouver de quoi vivre : « Plus de vaches, plus de livraisons de lait, donc plus de revenus, plus de salaires. Puis les trésoreries sont quand même un peu mal en point mine de rien. Donc j’ai fait une demande de RSA. »

« Jamais je n’aurais cru faire une demande de RSA un jour. Ça ne va pas couvrir toutes les charges mais si ça peut payer les courses, ce serait déjà pas mal. »

Florent Eplenier, éleveur

à franceinfo

Un élan de solidarité se met en place dans ce village de 200 habitants afin d’aider Florent Eplenier et ses trois collègues éleveurs également touchés : des dizaines de banderoles de soutien sont installées sur les maisons. À cela, s’ajoute donc une cagnotte qui a déjà récolté plus de 10 000 euros. « C’est la moindre des choses, souligne Ivana Prudon, présidente du comité des fêtes. On vit avec eux. Un des trois éleveurs, c’est mon premier voisin. On ne peut pas être détaché de ça, n’être que spectateur, c’est impossible. Au départ, c’était simplement pour ne pas laisser tous seuls dans leurs ennuis nos amis et voisins », ajoute-t-elle.

Ivana Prudon, présidente du comité des fêtes d'Ecleux. Novembre 2025 (EDOUARD MARGUIER / FRANCEINFO / RADIO FRANCE)

Ivana Prudon, présidente du comité des fêtes d’Ecleux. Novembre 2025 (EDOUARD MARGUIER / FRANCEINFO / RADIO FRANCE)

Une grande fête se prépare, également, à la fin du mois, avec une vente géante de morbiflette, la tartiflette de Franche-Comté cuisinée par Maurice Marchand, âgé de plus de 80 ans, mais toujours aux fourneaux. « J’ai une poêle énorme : je peux en faire pour 500 personnes à la fois. Donc, il me faudra 70 kilos de pommes de terre, 35 kilos de morbier, 20 litres de crème, des lardons, des oignons. C’est important pour le village, parce que c’est quand même triste de voir ça. Il n’y a plus de bêtes, il n’y a plus rien, ça m’a touché », confie Maurice Marchand.

« J’ai dit : ‘allez Momo, tu es encore en âge de faire quelque chose pour montrer la solidarité autour des agriculteurs de notre village’. »

Maurice Marchand, habitant du village

à franceinfo

Maurice Marchand s'occupera de la morbiflette (EDOUARD MARGUIER / FRANCEINFO / RADIO FRANCE)

Maurice Marchand s’occupera de la morbiflette (EDOUARD MARGUIER / FRANCEINFO / RADIO FRANCE)

Florent Eplenier, l’éleveur concerné, ne manquera, d’ailleurs, cela pour rien au monde : « Ça fait chaud au cœur. Je n’aurais jamais pensé qu’on aurait eu un soutien comme ça. Le dépeuplement a eu lieu, mais il faut aller de l’avant. Faire une petite fête ? Évidemment, je serai là. » La fête en question aura donc lieu le 30 novembre prochain. Et, d’ici là, pour relancer son activité, l’agriculteur recherche de nouvelles vaches, qu’il espère accueillir avant Noël pour les premières.