octobre 11, 2025

Portrait : Monika Arakelyan, la voix arménienne d’Air France

Depuis 2016, la voix douce et assurée de Monika Arakelyan accompagne les passagers d’Air France à destination de l’Arménie. Mais derrière cette voix familière se cache un parcours exceptionnel, entre journalisme, interprétariat, traduction juridique et engagement humanitaire. Portrait d’une femme qui relie deux mondes, deux langues et deux terres.

 

Celle qui définit sa voix comme un pont entre ses deux identités, est journaliste et historienne des relations internationales de formation, interprète trilingue (arménien, français, russe), traductrice assermentée, médiatrice interculturelle et militante associative. Depuis plus de vingt ans, elle crée du lien là où les barrières linguistiques et culturelles se dressent.

 

Du journalisme à l’interprétariat

Tout commence à Erevan. Diplômée d’un Master 2 en Relations internationales à l’Université d’Etat d’Erevan, spécialisée en Droit international et journalisme international, Monika devient journaliste à la télévision nationale où elle anime l’émission hebdomadaire « Zinuj » consacrée à l’armée. Elle y forge sa rigueur, son sens de l’analyse et sa maîtrise de la parole publique.

Arrivée en France en 2005, elle anime plusieurs années des émissions sur la radio AYP FM : « Spyurq » – histoire de la diaspora arménienne et « Courriers Intimes » de personnalités connues. Ensuite, elle travaille dans le champ de l’interprétariat et de la traduction, notamment auprès de la police aux frontières et des douanes à l’aéroport de Roissy-Charles de Gaulle. Elle obtient un Diplôme Universitaire d’Interprète-Médiateur à l’université Paris Diderot, puis une spécialisation en traduction juridique à l’université Sorbonne Nouvelle.

Aujourd’hui, elle intervient dans des contextes exigeants – hôpitaux, tribunaux, centres pour demandeurs d’asile – où chaque mot compte. « Mon métier, c’est de permettre à deux personnes qui ne se comprennent pas de se parler. Parfois, je traduis aussi des silences, des douleurs. Derrière chaque mot, il y a une vie ».

Elle a également accompagné à plusieurs reprises des délégations gouvernementales arméniennes, notamment dans le cadre du programme de coopération décentralisée avec la région du Tavouch, en partenariat avec le Fonds Arménien de France. Elle a assuré l’interprétariat lors de conférences et de rencontres officielles de haut niveau, en particulier avec Georges Siffredi, président du Conseil Départemental des Hauts-de-Seine, les membres du conseil départemental, ainsi que le préfet du Tavouch et ses adjoints.

Cette voix, justement, elle a failli la perdre. Une paralysie d’une corde vocale a un jour menacé son outil de travail, et une partie de son identité, avec la douloureuse sensation qu’on lui arrachait une partie d’elle-même. Grâce à un traitement rigoureux et à une volonté inébranlable, sans jamais baisser les bras, elle retrouve peu à peu sa voix et a fait de cette épreuve une force.

 

Un engagement au-delà des mots

Monika Arakelyan ne sépare jamais son métier de ses convictions. Elle est la secrétaire du Fonds Arménien de France (région Nord), ancienne secrétaire de l’Association de soutien à l’Artsakh, militante auprès d’UNICEF France. Elle est également membre de la Fédération Internationale des Journalistes.

 

En 2018, lors de son séjour en Arménie, elle propose au producteur de l’émission « Yerg Yergotz » diffusée sur la première chaîne de télévision arménienne, de consacrer une émission sur la chanteuse Liz Sarian pour laquelle elle participe à la réalisation et y intervient. Elle voulait, en effet, que la nouvelle génération en Arménie puisse connaître cette artiste de la diaspora, qui avait en 1984, pendant 15 jours, rempli la salle Hamalir à Erevan, se produisant chaque soir devant 7000 spectateurs ».

En 2023, elle a traduit le livre de Charles Garbis Nigoghossian « Artsakh, l’épreuve, Shekher, ma peine » et a effectué la traduction pour les sous-titres du documentaire « Aram Khatchaturian, 120 ans » réalisé pour ARTE et MEZZO. « Être une femme de la diaspora, c’est porter deux cultures et les faire dialoguer », affirme-t-elle. Monika Arakelyan incarne une diaspora active, cultivée et engagée. Et lorsque sa voix résonne dans les avions d’Air France, elle rappelle discrètement que chaque voyage entre Paris et Erevan est aussi un dialogue entre mémoire, identité et avenir.

Lena Ichkhan