Ça fait débat à la rédac. Fallait-il autoriser le MMA en France?

Mis en ligne le 11/01/2021 à 19:54

Légalisés par le ministère des Sports depuis un an, les arts martiaux mixtes commencent à se développer, malgré une image sulfureuse qui divise deux journalistes de la rédaction.

La fin d’une aberration

La boxe, le judo, la lutte, le ju-jitsu, le pancrace, la boxe thaï, le karaté… Personne ne conteste que les arts martiaux sont des sports et que leur pratique est autorisée. Dès lors, pourquoi un sport réunissant toutes ces disciplines devrait-il être interdit ? Certes, les arts martiaux mixtes (MMA) peuvent effrayer par l’aspect « combat en cage », mais s’arrêter à cela reviendrait à avoir la mémoire courte. En effet, les premières grandes images de MMA, à partir de la fin des années 1990, nous viennent du Japon où la fédération Pride utilisait un ring classique. Les Américains de l’UFC ont choisi la cage pour satisfaire leur public et cette formule a fait école.

Ce serait aussi oublier que combattre en cage ne rime pas avec absence de règles. L’arbitre y fait la loi et arrête le match dès qu’il estime qu’un combattant n’est plus en état de se défendre, comme le fait un juge en boxe pour faire cesser une pluie de coups sur un(e) concurrent(e). Car la santé des athlètes est au cœur des préoccupations des acteurs du MMA, loin du cliché d’un sport qui mettrait à tout prix le corps en danger. Avant un combat, chacun doit passer une batterie d’examens pour être jugé apte à combattre. Et après, les combattants se voient prescrire automatiquement quelques semaines d’arrêt, une durée qui peut être rallongée après examen et en fonction du déroulement du combat.

Avoir permis la pratique du MMA en France est enfin un moyen de garder les talents dans l’Hexagone. En effet, depuis près de 20 ans déjà, des Français s’expatrient pour pratiquer leur discipline et gagner combats et titres. L’exemple le plus emblématique est Cheick Kongo, star aux États-Unis dans les années 2000 et 2010, qui a combattu devant des salles combles et dont le travail a été salué par plusieurs distinctions. Il a dû attendre l’âge de 45 ans et quasiment deux décennies de carrière pour finalement combattre pour la première fois en France, en octobre 2020. Avec l’autorisation du MMA depuis un an, est-ce enfin la fin d’une aberration ?

La dignité humaine altérée

Le 6 octobre 2018, sous les projecteurs de Las Vegas (États-Unis), le combat entre Khabib Nurmagomedov et Conor McGregor aurait dû assurer une majestueuse promotion à l’Ultimate Fighting Championship (UFC), la plus importante ligue professionnelle de MMA. Mais après avoir conservé son titre de champion des poids légers par soumission de son adversaire, le Russe a déclenché une bagarre générale en sautant par-dessus la cage pour s’en prendre physiquement au clan irlandais.

Depuis sa naissance au début des années 1990 par l’association du sportif brésilien Rorion Gracie et de l’homme d’affaires américain Art Davie, la discipline ne s’est jamais départie de son image ultra-violente, dont le principe d’affrontement dans un octogone grillagé n’est pas sans rappeler l’arène des jeux antiques. « Le MMA n’est pas un sport, tranchait ainsi l’ancien président de la Fédération française de judo, Jean-Luc Rougé, en février 2015. Tout ça est né d’une invention pour faire du business. »

L’autorisation de donner des coups de pieds et de poings à un adversaire à terre pose directement la question de l’atteinte à la dignité humaine, réprimée par la recommandation N° R(99) 11 du Conseil de l’Europe, adoptée en 1999 qui, « considérant que la violence et les actes barbares et sauvages commis au nom du sport sont dénués de valeur sociale dans une société civilisée qui respecte les droits de l’homme », incite à « entreprendre toutes les mesures nécessaires pour interdire et empêcher les combats libres tels que la lutte en cage ».

La légalisation par le ministère des Sports n’a pas offert un blanc-seing aux diffuseurs. Dans une délibération du 21 octobre 2020, le Conseil supérieur de l’audiovisuel a en effet imposé une signalétique « déconseillé aux moins de 16 ans », ainsi qu’une programmation après 20 h 30 sur les chaînes de télévision et services à la demande payants, et après 22 h 30 sur les plateformes et canaux gratuits, au nom de la protection du jeune public.

Où sont donc les principes d’exemplarité du sport lorsque ses valeurs éducatives sont bafouées ?