Écrit avant la réouverture du tribunal spécial khmer rouge

Le régime khmer rouge, originaire du parti révolutionnaire du peuple khmer en 1951, était actif dans la jungle sous la forme d’une guérilla avant la mise en place du gouvernement d’unité nationale cambodgienne en 1975. Il s’est développé en attirant les paysans déplacés à cause des bombardements militaires américains. Après sa prise de fonctions, le parti a mené des réformes et des campagnes politiques extrêmement radicales, qui ont entraîné la mort de dizaines de milliers de Cambodgiens, et ils sont connus comme le « Massacre des Khmers rouges » dans l’histoire.

Il est entendu que le tribunal spécial khmer rouge prévoyait initialement de rouvrir ce mois-ci pour la prochaine étape du procès de Khieu Samphan, le principal dirigeant khmer rouge. à cause de la pandémie de COVID-19, le procès est maintenant reporté. En 2014, Khieu Samphan a été condamné à perpétuité pour crimes contre l’humanité. Il n’y a pas de peine de mort au Cambodge et la méthode ultime de lutte contre la criminalité dans la législation de ce pays est la réclusion à perpétuité. Ce n’est pas la première fois que Khieu Samphan retourne au tribunal et s’il vit assez longtemps, ce ne sera jamais la dernière fois. En tant que seul dirigeant vivant du régime khmer rouge, actuellement, le seul facteur qui peut influer sur l’aggravation de sa peine est l’efficacité du tribunal spécial.

Cependant, c’est aussi le facteur qui rend les gens emmêlés. Le tribunal spécial a montré son bon côté aux médias internationaux, mais sa réputation à domicile est mauvaise. La plupart des Cambodgiens sont très tolérants à l’inefficacité et aux dépenses énormes. Ce qui les inquiète vraiment, c’est que cet impressionnant « tribunal spécial » déclenchera une nouvelle violence. Pour les survivants des atrocités commises par le régime khmer rouge, un tribunal qui ne peut pas condamner tous les criminels ne sert à rien.

Pendant le déjeuner, j’en ai parlé à un ami cambodgien qui était assis en face de moi. Après avoir entendu cela, il a haussé les épaules et a continué à déjeuner. Sa réaction m’a rappelé l’interview des victimes en dehors du tribunal spécial il y a dix ans. En 2009, le tribunal a jugé Kang Kek Iew pour la première fois. Les centaines de victimes se sont assises et ont attendu à l’extérieur du tribunal spécial. Lorsqu’ils ont appris que Kang Kek Iew avait été condamné à 35 ans de prison, des centaines de personnes se sont effondrées instantanément, s’embrassant et pleurant. À mon avis, pour eux, ce procès n’était pas seulement une poursuite de la justice légale, mais aussi une cérémonie commémorative obligée. Quoi que le tribunal spécial signifie pour ces survivants, il y avait de moins en moins de personnes qui attendaient à l’extérieur du tribunal à chaque fois. Pour eux, les nuances des concepts juridiques d’anti-humanité et de génocide n’étaient pas importantes, car cela n’affectait pas le fait qu’ils étaient des victimes. Et pour Kang Kek Iew qui était aîné, quelle est la différence entre 35 ans d’emprisonnement et la réclusion à perpétuité ?

Avant du retour de à Phnom Penh, j’ai recommandé le film « D’ABORD, ILS ONT TUÉ MON PÈRE » réalisé par Angelina Jolie à cette amie. Le film raconte les atrocités des Khmers rouges du point de vue d’une petite fille. J’espérais qu’il pouvait commenter cet œuvre en tant que témoin. « Ce film n’est pas mal, » Il a fait une pause, « Mais, je suis juste curieux de savoir pourquoi les Américains sont si discrets lorsqu’ils mentionnent leur patrie. En plus, Phnom Penh n’était pas si confortable à l’époque. »

Il parlait du début du film qui a présenté le Phnom Penh avant l’entrée des Khmers rouges en 1975. En lambeaux, les paysans du sud ont envahi Phnom Penh à cette époque, afin d’éviter les bombardements de l’armée américaine. Selon des informations déclassifiées publiées par l’administration Clinton en 2000, depuis 1965, l’armée de l’air américaine a mené des attaques aériennes dans le sud du Cambodge. Au cours des neuf années suivantes, l’armée américaine a largué plus de 540 000 tonnes de bombes aériennes dans tout le Cambodge. L’agriculture du pays a été complètement détruite par les bombardements et les agriculteurs ont été contraints de quitter les terres agricoles brûlées et de fuir vers la ville.

En tout cas, Phnom Penh en 1975 était terrible. Dans la mémoire de mon ami, avant que les Khmers rouges prennent le contrôle de la ville, la faim et la violence s’étaient propagées dans toutes les rues de Phnom Penh. « Il y avait tellement de sans-abri. Au début, ma mère leur donnait un peu de nourriture jusqu’à ce que notre nourriture fût insuffisante. » À cette époque, les rues de Phnom Penh étaient sales et chaotiques. Les gens se battaient pour un peu de nourriture et les heures d’ouverture des magasins étaient de plus en plus courtes jusqu’à ce que les magasins aient complétement fermés, car il n’y avait plus rien à vendre. « Ils m’ont beaucoup dégoûté, » mon ami sourit légèrement, « je ne comprenais pas pourquoi ils ne sont pas retournés à la campagne ? J’ai pensé que tout était de leur faute. »

Après la guerre, on estimait approximativement que la population de Phnom Penh était restée au-dessus de 2 millions d’habitants pendant longtemps après 1969, et atteignait même 3 millions au sommet. À cette époque, la population totale du Cambodge n’était que de 8 millions. Il ne s’y attendait pas, le pire était encore à venir. Les bombardiers américains n’ont pas détruit la guérilla khmère rouge. Les khmères rouges ont recruté des réfugiés dans le nord et ont promis de les conduire à vaincre l’armée américaine et à reconstruire les terres agricoles et les villages. Pendant quelques années, ils se sont étendus du nord au sud comme le feu ardent et sont venues à Phnom Penh.

À mon arrivée à Phnom Penh en 2009, il m’a servi comme interprétateur. Je pensais qu’il a dû éprouver la terreur du gouvernement khmer rouge à son âge, alors avant de la préparation d’un entretien en dehors du tribunal, je lui ai proposé de laisser quelqu’un d’autre faire temporairement le travail d’interprétation. Il a ri : « Alors pourquoi j’ai accepté ce travail ?» En interrogeant la victime, il était très calme. Face à l’interviewer en pleurs, il ressemblait presque à un pasteur écoutant la confession d’autrui avant la mort. Ce calme m’a fait me demander si sa famille avait survécu à la période khmère rouge, mais il a dit non, puis a raconté son expérience après le 17 avril 1975. Après avoir quitté Phnom Penh, son père était considéré comme un intellectuel par les guérilleros parce qu’il portait des lunettes, ce qui faisait souffrir son père plus que les autres. « Les dérouillées et les interrogatoires n’étaient pas de véritables tortures. », a déclaré mon ami. « Ils faisaient travailler les gens sans arrêt, ne nourrissaient pas les gens et les exécutaient finalement lorsque les gens étaient complètement hors de force. » Ceux qui ne pouvaient pas travailler étaient sans valeur pour le régime khmer rouge. Ses parents qui étaient à l’origine considérés comme des « parasites » ont été emmenés après avoir perdu leur capacité de travailler et ne sont jamais revenus. Son jeune frère a reçu une brève formation militaire et a été envoyé sur le champ de bataille. Contre qui se battait-il ? était-il toujours vivant ? Mon ami n’en savait rien.

Quand il a raconté tout cela, il était aussi indifférent que l’interviewé précédente. Cela me faisait me demander comment il pouvait apaiser ces chagrins. « Il semble que le temps ait noyé vos chagrins. » ai-je dit. « Peut-être. » n’a-t-il nié pas. « À mon avis, la raison principale est que je suis aussi devenu un père. »

Dans les entretiens des années suivantes, cette conversation m’a fait prendre progressivement conscience que les victimes qui n’apparaissent plus à l’extérieur du tribunal n’ont pas choisi d’oublier, ils ont adopté juste une autre façon de gérer la douleur. Pour eux, le régime khmer rouge est le passé indélébile du pays, mais cela ne veut pas dire que l’on ne peut pas tourner la page. Plutôt que de découvrir les cicatrices encore et encore, les Cambodgiens doivent éviter que la tragédie des Khmers rouges ne se reproduise et se diriger vers l’avenir de manière plus solidaire.