Non, la France n’est pas une entreprise privée malgré son numéro SIREN, comme l’affirment les « citoyens souverains »

«Je n’appartiens plus à l’entreprise République française présidence. Bah oui, c’est une société, depuis 1947. » Ces paroles ont été prononcées par un homme contrôlé par la police, faisant partie de la mouvance conspirationniste des « citoyens souverains », dans une vidéo devenue virale la semaine dernière.

Cette idéologie nie la légitimité de l’Etat français, et dit ne reconnaître aucune loi. La raison ? Les Etats seraient en réalité des entreprises privées, affirme notamment l’homme aux policiers qui voulaient le soumettre à un contrôle d’alcoolémie.

Cette idée selon laquelle les Etats seraient illégitimes car des entreprises privées est relayée par des internautes, sur des sites dédiés à la mouvance des citoyens souverains ou sur les réseaux sociaux classiques. En ligne, ces affirmations sont souvent accompagnées de capture d’écran montrant une société dénommée « République française présidence » sur des sites indexant les sociétés françaises, associée à un numéro SIREN et SIRET.

FAKE OFF

Le fait que la République française soit dispose d’un numéro SIREN ou SIRET, ce qui est vrai, ne signifie pas qu’elle soit une entreprise privée. Tout simplement car le fait d’être enregistré sous un numéro SIREN, c’est-à-dire au Système d’identification et du répertoire des entreprises et de leurs établissements (SIRENE), n’est pas réservé aux entreprises privées. Mais concerne aussi les administrations publiques, de même que les collectivités territoriales ou encore les associations.

Le site du SIRENE indique par exemple que depuis 1983, le répertoire du SIRENE est exhaustif concernant « les personnes morales de droit public et les administrations ». L’avis de situation sur le site de l’Insee de l’établissement « République française présidence » (100 000 017) indique par ailleurs que sa catégorie juridique est « Autorité constitutionnelle », et son activité principale exercée « Administration publique générale ».

Concernant la date de 1947, indiquée sur les sites qui permettent de consulter les organismes enregistrés dans ce registre, elle correspond à celle du décret n° 47-142 du 16 janvier 1947, « rendant obligatoire pour toutes les classifications et toutes les statistiques officielles la nomenclature unifiée des entreprises et des établissements ». En clair, c’est à cette date qu’a eu lieu la première classification réalisée par l’Insee, organisme national de la statistique.

L’enregistrement comme société de l’Etat a donc été réalisé pour des questions de gestion. Comme l’indique Martial Mathieu, professeur d’histoire du droit à l’université Grenoble Alpes, « ces services [de l’Etat] doivent réaliser des opérations d’achat et de vente, comme toutes les personnes publiques, pour leur équipement et leur fonctionnement [universités, hôpitaux, communes, départements, etc.]. Cela ne signifie pas pour autant que ces services publics sont des “entreprises privées”. ». Comme l’ajoute Philippe Yolka, professeur de droit public à l’université de Grenoble Alpes, « l’enregistrement comme société peut aussi servir à éviter les enregistrements parasites, avec une fonction de protection. De la même manière, la République française a également déposé un grand nombre de marques à l’INPI. »

Pas non plus une entreprise américaine

D’après ces internautes, la France serait (aussi et paradoxalement) enregistrée comme société à Washington aux Etats-Unis, enregistré sous un numéro D-U-N-S. Là aussi c’est trompeur. Le numéro D-U-N-S est d’un identifiant numérique permettant à un organisme d’être identifiable en tant que tel sur le plan international (à la manière d’un numéro SIREN à l’échelle mondiale). Les organismes publics ou étatiques peuvent eux aussi en disposer. La base de données permettant de trouver les numéros D-U-N-S des organismes répertorie par exemple le « Gouvernement de la République Française », à Washington, qui correspond tout simplement à l’ambassade de France aux Etats-Unis.